La création de la VAE en 2002 a représenté, pour le monde de l’éducation et de la formation, une véritable révolution : il s’agissait de rendre équivalents en dignité les acquis venant d’une formation initiale, continue ou en alternance, et les acquis de l’expérience. On apprend toujours dans le travail, même dans le travail apparemment le plus simple, que l’on dit parfois non qualifié. On apprend dans toutes sortes d’activités, bénévoles, associatives, syndicales ou d’engagement politique. Et savoir le reconnaître est un geste fort de confiance dans ceux qui travaillent, dans les possibilités de progrès social individuel et collectif, ainsi qu’un facteur de mobilité positive. Plus encore, au pays du culte du diplôme. Saluée par le monde de la formation permanente (les nombreux militants, intervenants et pédagogues de l’éducation des adultes) et par les représentants des salariés comme une forme de reconnaissance de l’importance du travail, la VAE a d’emblée joui d’une belle image. On la doit en grande partie à Vincent Merle qui était alors le directeur de cabinet de la secrétaire d’État à la formation professionnelle. Elle répond à une double exigence. Économique : en reconnaissant les compétences acquises par l’expérience, elle permet des certifications rapides (comparé à des parcours coûteux en temps et en argent de retour en formation longue), adaptées aux besoins des entreprises et aux changements rapides des techniques et des manières de travailler, plus proches en quelque sorte du terrain. Sociale : en donnant de la dignité aux parcours de travail (la dignité du diplôme ou du titre professionnel), elle produit pour les personnes et les collectifs de travail de la reconnaissance et peut être à l’origine de dynamiques de mobilité professionnelle et de progrès social. Elle est une réponse aux changements des modèles d’emploi : aux carrières longues dans une même entreprise avec promotion interne (le passage au statut de « technicien » pour un ouvrier qualifié, le passage à celui de « cadre »…) se substituent peu à peu des parcours plus variés, dans plusieurs entreprises, en changeant parfois de statut (de salarié à indépendant et vice versa), avec des passages par la « case chômage ». Dit autrement, la gestion de l’emploi par les marchés internes a un rôle moindre, et la flexibilité externe s’est développée. La VAE, associée à la formation, est à la fois un outil individuel de développement des compétences et de progrès personnel, un moyen de développement de l’employabilité de chacun et un formidable levier de réalisation (à moindres frais) de la nécessaire montée en compétences générale de la population active française. En ce sens, ce devra être une partie essentielle du « Grand Plan de transformation des compétences » des années à venir. 307 000 personnes ont, en douze ans, fait valider leur expérience : c’est beaucoup et c’est peu pour une population active de 28,6 millions. Un beau succès d’estime en quelque sorte. Quels obstacles faut-il lever pour que la VAE se développe davantage, qu’elle soit plus facile, plus fluide, plus intégrée aux parcours professionnels des salariés, des indépendants, des demandeurs d’emploi et des jeunes ? Que faut-il faire pour que les entreprises s’emparent davantage de la VAE et en fassent un moyen de reconnaissance des salariés et un outil au service de la mobilité interne ou externe ? En effet, on observe un curieux décalage entre les affirmations des chefs d’entreprise, qui considèrent que c’est en situation professionnelle que les personnes apprennent (plus qu’en suivant des stages de formation), d’une part, et le faible développement quantitatif de la VAE, de l’autre.