Comme toute maladie, il y a des signes ou des symptômes d’alcoolisme. Certains d’entre eux sont très faciles à reconnaître alors que d’autres sont moins évidents. La plupart d’entre nous peuvent sortir peut-être une fois par semaine ou juste à des occasions spéciales et prendre quelques verres et ce n’est pas grave. Toute personne peut être alcoolique, y compris les adolescents. L’alcoolisme touche plus de 17 millions d’Américains tous les jours. Il y a une différence entre boire ou abuser de l’alcool et de l’alcoolisme. Ce n’est pas combien une personne boit mais comment elle laisse tomber la boisson et contrôle sa vie. L’alcoolisme est une maladie grave et si elle n’est pas traitée, elle peut être fatale. Cette maladie ne peut être guérie, mais elle peut être contrôlée. Des études ont montré que les troubles mentaux, sociaux et génétiques peuvent influencer la progression de cette maladie. Voici cinq signes à rechercher si vous ou un être cher peut être alcoolique. Tout d’abord, la personne peut être en déni d’avoir un problème en premier lieu. Ils peuvent même croire qu’ils maîtrisent leur consommation d’alcool. En reconnaissant qu’ils ont le problème est la première étape de la récupération. Deuxièmement, la personne souffrant d’alcoolisme peut souvent avoir envie d’une boisson alcoolisée. Ils peuvent faire tout leur possible pour obtenir la solution d’alcool qu’ils veulent si mal. Cela peut affecter leur vie personnelle ou même professionnelle. Troisièmement, les alcooliques ont généralement une forte tolérance pour les boissons alcoolisées. La tolérance serait supérieure à la tolérance d’une personne normale pour l’alcool. Cela peut mettre la personne à un grand risque pour les problèmes de santé, car ils devront boire de plus en plus d’alcool pour obtenir le meilleur dont ils ont besoin. Quatrièmement, la personne peut ne pas pouvoir contrôler la quantité d’alcool consommée. La plupart d’entre nous qui ne boivent que de temps en temps savent généralement quand nous en avons assez. Quand une personne a de l’alcoolisme, elle perd généralement la capacité de savoir quand il est temps de s’arrêter. Ceci, comme l’envie constante, peut causer des problèmes de santé sérieux car la personne boit jusqu’à ce qu’elles soient malades ou qu’elles se passent. Cinquièmement, la personne peut non seulement désirer l’alcool, mais elle peut commencer à fonctionner normalement. Sans l’alcool, la personne subira un retrait, elle peut avoir des symptômes semblables à d’autres utilisateurs de drogue qui font l’objet de retraits. Ils peuvent ressentir de la nausée et être en sueur et tremblants. Si vous ou quelqu’un que vous connaissez connaît ces symptômes ou que vous êtes alcoolique, je vous encourage à demander de l’aide immédiate. Il existe de nombreux traitements pour l’alcoolisme aujourd’hui. Demander de l’aide peut-être difficile à quelqu’un qui vient d’admettre ou de se rendre compte qu’ils ont la maladie. Ils devraient avoir beaucoup de soutien derrière eux lors de la recherche d’aide, sinon ils pourraient recourir à la rechute. Il est très important non seulement de voir la réadaptation, mais également de chercher de l’aide mentale, surtout lorsque l’alcoolisme a affecté une relation ou un emploi. Si vous connaissez des gens comme des parents ou des amis que vous soupçonnez avoir des problèmes d’alcool, appliquez les connaissances que vous avez acquises dans cet article pour confirmer si les symptômes de l’alcoolisme sont ou non réels. A lire sur le site de ce de cours d’œnologie.
Mois : octobre 2017
Quelle justice pour le quai de Valmy ?
Les réquisitions entendues vendredi dernier sont si choquantes qu’elles parlent d’elles-mêmes, et pour ainsi dire se condamnent elles-mêmes. Je n’en dirai donc rien. A la place je voudrais plutôt poser la question suivante : de quoi le procès du quai de Valmy est-il le procès ? Ou plutôt de quoi devrait-il l’être, de quoi aurait-il dû l’être ?
La justice, ou ce qu’on appelle ainsi, ne connaît que des personnes. Or elle devrait connaître aussi des situations — ou au minimum des personnes dans des situations. Quelle est la situation au moment des faits reprochés aux prévenus — en rappelant tout de même au passage que certains d’entre eux nient catégoriquement en avoir été les auteurs. Quelle est donc cette situation ? Elle est celle d’un pouvoir qui, ayant perdu toute légitimité, est déjà en état de rupture avec la population. Celle d’un pouvoir claquemuré dans les institutions de la Ve qui permettent si bien de fermer portes et fenêtres pour que les gouvernants n’aient plus rien à connaître des gouvernés. Comment faire valoir une opposition sérieuse quand il n’y a plus aucune médiation institutionnelle pour la relayer ? Comment la faire valoir autrement que dans le dernier lieu qu’il lui reste, à savoir la rue ?
Ce sont les gouvernants qui ont eux-mêmes agencé cette situation où le dissentiment démocratique ne rencontre plus que la police. Une police qui au surplus a reçu des instructions, si elle ne se les donne pas elle-même. Il n’est pas un observateur qui n’ait été choqué par des violences policières en fait sans précédent. Avec une brutalité inouïe, la police aura nassé, gazé, matraqué, éborgné. On ne compte plus les manifestants très ordinaires et très pacifiques au départ qui en sont devenus enragés. Enragés de voir l’État se faire l’ennemi de ses citoyens. Un procès du quai de Valmy qui ne met pas ceci au centre de ses débats est un procès d’injustice.
Tout y concourt en vérité car, dans cette situation, l’État, pour masquer qu’il devient l’ennemi de ses citoyens, n’a plus que la ressource de peindre ses citoyens comme ennemis de l’État. C’est à ce grand renversement que se prête la police-justice. Avant tout examen, les prévenus ont été déclarés ennemis de l’État pour être châtiés comme tels. La situation n’est donc plus seulement celle d’un État qui se condamne lui-même à ne plus pouvoir gouverner qu’à la police, mais celle d’une justice qui couvre le gouvernement de la police.
Ecoutons le procureur : « Antonin Bernanos conteste farouchement les faits par posture. Il y a clairement un risque de réitération des faits ». Voilà donc où mène cette logique sans nom : si on clame être innocent c’est qu’on est coupable, et non seulement qu’on l’est mais qu’on va récidiver…
On a pu également entendre ceci : « Je mets au défi quiconque de dire que la justice couvre les violences policières ». Relevons donc le défi. Quand le procureur de Pontoise explique qu’Amada Traoré est mort d’une infection, ça n’est évidemment pas la police qui couvre la justice. Quand la colonne des victimes dans les quartiers, des morts en fourgon, en cellule, d’une balle dans le dos, ou des violés à coup de matraque, quand cette colonne est d’une hauteur sans commune mesure avec celle des policiers jugés et condamnés, ça n’est pas la justice qui couvre la police… Cela aussi fait partie de la situation.
Le procureur a également cru pouvoir dire ceci : « le témoignage d’un policier assermenté est quand même censé servir l’intérêt général, soyons sérieux ». Oui, en effet, soyons sérieux : quand il est question d’affaires impliquant des policiers, le témoignage d’un policier ne sert rien d’autre que les intérêts de la police. Et désormais tout le monde le sait. Comme tout le monde sait que la police et la justice mentent et font corps quand elles sont mises en cause. Si le procureur était vraiment sérieux, il prendrait conscience qu’une institution ne peut pas prononcer certaines paroles sans prendre par-là même le risque d’œuvrer à sa propre ruine symbolique.
Lire aussi Laurent Bonelli, « Pour une décroissance sécuritaire », Le Monde diplomatique, mai 2017.
Dans l’affaire du quai de Valmy, le verdict n’est pas encore venu. Il nous reste donc toujours la possibilité de croire que la justice n’est pas toute d’une pièce, qu’elle est encore capable de se souvenir qu’il n’y a pas que des personnes mais aussi des situations, et que, sauf à se trahir elle-même, et à trahir le peuple au nom duquel, paraît-il, elle juge, elle ne peut pas elle aussi se faire l’ennemi de ses citoyens.
L’élection ou la rue
C’est un de ces débats dont on ne sait si la récurrence est affligeante — tant elle exhibe l’ignorance ou la mauvaise foi — ou si elle est rassurante dès lors que la démocratie ne saurait se passer de luttes sur sa définition — sauf à laisser le monopole de cette définition à certains et donc à se renier. La réforme du code du travail vient donc de rouvrir cette polémique alors que les manifestations de rue s’opposent à un gouvernement qui se prévaut de son élection quelques mois plus tôt pour la mener à bien. Ainsi sont opposés frontalement, et non plus seulement suggérés comme lors de chaque mouvement social, l’opposition du vote et de la rue comme moyens de la démocratie. Au président de la République qui lançait « la démocratie, ce n’est pas la rue » (CNN, 19 septembre), la France insoumise par son chef Jean-Luc Mélenchon et les pancartes de la manifestation du 23 septembre répondait : « Non M. Macron, la démocratie c’est la rue ». Et d’improviser une leçon d’histoire : « Monsieur le Président, il vous reste à consulter l’histoire de France pour apprendre que c’est la rue qui a abattu les rois, c’est la rue qui a abattu les nazis, c’est la rue qui a protégé la République contre les généraux félons en 1962 (…) c’est la rue qui a obtenu la quatrième semaine de congés payés en 1968 (…) c’est la rue qui a abattu le plan Juppé (…) c’est la rue en 2006 qui a obtenu le retrait du CPE (…) c’est la rue toujours qui porte les aspirations du peuple français lorsqu’il ne peut les faire entendre autrement ». Une leçon si accablante — presque tout y est erroné — qu’elle n’invite pas à l’optimisme (1).
Lire aussi Charles Perragin, « Noter pour mieux voter ? », Le Monde diplomatique, octobre 2017.
Il importe donc de corriger sauf à laisser l’espace public à la merci des sottises et pire à l’incompréhension. Il convient de rappeler que le débat met toujours en scène des conceptions différentes de la démocratie. D’abord le régime représentatif, auquel la qualité de « démocratie fut d’abord refusée, puisqu’il consistait à s’en remettre à des gouvernants élus pour gouverner. Jean-Jacques Rousseau ironisait ainsi sur ces Anglais qui se croyaient libres et ne l’étaient que le jour d’une élection. La sociologie critique peut être située dans ce prolongement par son analyse de la dépossession politique. Ce régime de la représentation libre comme la qualifiait Max Weber, ou de la fides implicita comme l’appelait Pierre Bourdieu, en empruntant sa terminologie au droit canon, consiste en une remise générale de soi à des représentants disposant librement de leur mandat. Pas tout à fait un chèque en blanc, puisque cette autorité devait être refondée par une nouvelle élection pour un nouveau mandat. Cette conception a prévalu aux débuts des républiques parmi un personnel politique issus de classes dirigeantes jalouses de leurs capacités et peu portées à dépendre d’électeurs dominés, sinon le temps d’une élection. Quelles que soient ses limites démocratiques, ce régime a été nommé « démocratique ». Une démocratie de délégation en somme. Aussi fût-elle contestée par des forces politiques issues de classes sociales moins sûres de leur domination mais plus capables d’établir une relation contractuelle avec les électeurs.
C’est ainsi que l’idée du mandat impératif fut proposée au XIXe siècle. La difficulté de sa mise en œuvre (jusqu’où aller dans le détail et pour combien de temps), les réticences des représentants à se lier les mains, même ceux qui s’en réclamaient officiellement, ont limité sa réalisation. Toutefois, sans prendre la forme extrême du mandat impératif par lequel un représentant ne peut mener que les actions pour lesquelles il a été précisément mandaté — représentation liée ou fides explicita —, la conception contractuelle s’est partiellement imposée par le biais des professions de foi et des programmes électoraux, soit des engagements plus ou moins précis. En 1981, les 110 propositions du candidat François Mitterrand participaient de cette conception d’une démocratie contractuelle d’un mandat semi impératif qui avait été surtout portée par la gauche. Ainsi les deux conceptions ont-elles pu coexister inégalement selon les gouvernements et aussi selon le temps de mandat, la latitude d’action des gouvernants s’accroissant généralement avec l’éloignement de la consécration électorale.
Lire aussi Sarah Cabarry & Cécile Marin, « 1981, l’occasion ratée », Le Monde diplomatique, septembre 2016.
Ces deux acceptions de la représentation, libre ou liée selon les termes de Max Weber, ont toutefois été contestées généralement par les critiques de la délégation entière ou partielle, au nom de la démocratie qu’on désigne souvent comme « directe » même si le terme paraît excessif sinon abusif. Toujours est-il que cette conception trouvait des réalisations pratiques dans les consultations populaires directes — le référendum — ou dans les mobilisations diverses telles que la pétition, la manifestation. Un répertoire d’action collective (selon l’expression de Charles Tilly) diversifié, dont certaines méthodes ont largement disparu après la Seconde République, avant de réapparaître (la pétition), de se transformer (la manifestation de 1848 tenait du défilé militaire), de se combiner (la manifestation et la grève). Et de se diffuser vers de nouveaux groupes sociaux. Il y a belle lurette que les manifestations ne sont plus la méthode exclusive du « peuple de gauche » ou seulement la voie de la protestation comme l’ont montré les mouvements fascistes. Il reste que la rue est devenue une sorte de métaphore de l’alternative au régime représentatif régi par l’élection. Un instrument démocratique par excellence, en tout cas plus démocratique. Jean Paul Sartre ne disait pas autre chose dans un article fameux reprenant le slogan de mai 1968, « Élections, pièges à cons », en fétichisant l’isoloir comme un responsable de la trahison : « L’isoloir, planté dans une salle d’école ou de mairie, est le symbole de toutes les trahisons que l’individu peut commettre envers les groupes dont il fait partie. Il dit à chacun : “Personne ne te voit, tu ne dépends que de toi-même ; tu vas décider dans l’isolement et, par la suite, tu pourras cacher ta décision ou mentir.” Il n’en faut pas plus pour transformer tous les électeurs qui entrent dans la salle en traîtres en puissance les uns pour les autres. (2) »
Il ne s’agit pas d’afficher un œcuménisme modéré et pacificateur de principe mais, parce que tous les moyens de la démocratie sont imparfaits, il faut bien convenir que tous ont eu et ont donc encore de bons arguments. La démocratie c’est aussi la rue, devrait-on répondre au président Macron, parce que le régime représentatif se confond avec les libertés sinon les trahisons de gouvernants qui en font à leur guise pour peu qu’ils soient mal contrôlés. La protestation sociale n’opère d’ailleurs pas comme un simple rappel à l’ordre mais à titre préventif en dissuadant des gouvernants d’entreprendre des politiques pour lesquelles ils n’ont reçu aucun mandat. Comme on l’a justement fait remarquer, la menace de la grève a parfois été plus efficace que la grève elle-même : ce moyen de lutte ponctuel crédibilisait en permanence la menace. Il est aussi clair que la légitimité de la protestation est mieux fondée lorsque les mesures attaquées n’ont pas été annoncées par un programme. Ainsi la loi Juppé de 1995 comme la loi El Khomri de 2016 n’étaient inscrites ni dans le programme de Jacques Chirac qui venait d’être élu à la présidence, ni par celui de François Hollande qui arrivait à la fin de son mandat. La rue pouvait être présentée en en l’occurrence comme un refus démocratique du coup de force. En va-t-il de même quand la rue s’oppose à une réforme dûment inscrite au programme électoral du vainqueur ?
En principe, la victoire électorale vaut approbation du programme entier. Une convention sans doute mais une convention dont il est difficile de se passer en régime démocratique. Les protestataires peuvent faire valoir plusieurs titres de légitimité post électorale. En 1984, la réforme de l’enseignement libre était inscrite dans les propositions de François Mitterrand mais les opposants ont fait valoir que les négociations ne leur avaient pas donné satisfaction voire qu’ils avaient été trahis par des promesses non tenues. En 1992, le mouvement de la Manif pour tous — une manière de dénier à la gauche une sorte de propriété morale sur la manifestation — excipait des valeurs supérieures à la politique électorale — respect de la vie, de la famille, etc. — pour refuser une réforme annoncée. Aujourd’hui, Jean Luc Mélenchon s’est expressément prévalu d’une critique de la démocratie électorale, généralement suggérée, selon laquelle les électeurs auraient voté pour un candidat sans voter pour la mesure contestée. C’est en ce sens que M. Macron peut revendiquer la légitimité démocratique de la réforme du code du travail : il l’avait inscrite dans son programme. La critique par l’explication du vote a évidemment quelque vérité tant aucun électeur ne vote pour toutes les mesures d’un programme, soit parce qu’il les ignore, soit parce qu’il est indifférent, soit parce qu’il vote pour une personne, soit parce qu’il vote contre d’autres.
La raison invoquée par M. Mélenchon peut cependant amener à contester toute élection et tout vote si les électeurs n’y ont pas investi ce qu’on dit. Elle est aussi cocasse. Sans doute Jean-Luc Mélenchon a-t-il raison d’assurer que les électeurs d’Emmanuel Macron « n’ont pas voté pour ça », soit en faveur de la réforme du travail, mais comment sait il que ses propres électeurs « ont voté pour ça », c’est-à-dire pour toutes ses raisons politiques ? On ne saurait épuiser facilement toutes les situations où la rue peut être un correctif démocratique aux abus de pouvoir, non seulement dans les régimes autoritaires mais dans les démocraties libérales. Les protestataires peuvent justement faire valoir que le vote met en œuvre une égalité abusive quand les mesures concernent inégalement les gens, ou quand la voix d’une personne non concernée vaut autant que celle d’une personne concernée. Quel est par exemple le sens d’un référendum lorsqu’il vise à trancher un aménagement local comme un aéroport alors qu’une partie du corps électoral est éloignée du lieu touché et que d’autres appelés à voter décident en l’occurrence du sort de leur terrains expropriés ou non. En l’occurrence, une voie de démocratie directe était opposée à une autre, le référendum versus la manifestation. Sans que rien ne s’impose absolument comme un principe absolu. Ainsi en va-t-il pour toutes les voies démocratiques, toutes imparfaites sinon injustes. Vérité difficile à admettre comme le souligne à l’envi la force des préjugés qui prolongent des certitudes depuis longtemps démenties. A moins qu’il ne s’agisse que de justifier les intérêts du moment.
Le service de la classe
Pour savoir ce que c’est que l’inconscience subjectivement vécue du journalisme objectivement au service de la classe, il suffit de lire l’article du Monde intitulé « Macron face à l’étiquette de président des riches » (1). Citons : « L’opposition tente d’installer la même petite musique qu’il y a dix ans : “Macron, président des riches” » . Sans les cabales vicieusement musicales de « l’opposition », la chose, en effet, aurait-elle pu venir à l’idée de quiconque ? À lire la suite de l’article, il y a de quoi en douter car, en définitive, pas un fait susceptible de soutenir cette retorse accusation n’est réellement établi, preuve en est qu’ils méritent tous le conditionnel et surtout de les faire endosser par les petits musiciens : « les “insoumis” seraient les représentants du “peuple” face à l’ancien banquier d’affaire devenu président de “l’oligarchie” » ; à en croire des socialistes — des socialistes ! — « le nouveau président mènerait une politique inégalitaire ». Mais rien de tout ça n’est assuré, on demandera sans doute aux Décodeurs de trancher : le président Macron mène une politique pour l’oligarchie, vrai ou faux ?
Ni de droite ni de gauche : « efficace » !
Il faudra bien ça pour éclaircir cet incompréhensible mystère : comment se peut-il en effet qu’une élection de classe tranchée comme jamais livre ainsi une politique de classe tranchée comme jamais ? Heureusement un « conseiller » de l’Elysée vient nous sortir de la difficulté : « La question n’est pas de savoir si le budget est pour les riches ou les moins riches [car dans la tête d’un « conseiller », les pauvres n’existent pas, il n’y a que « des moins riches »], s’il s’agit d’un budget libéral ou social, la question, c’est celle de l’efficacité ».
Lire aussi Richard V. Reeves, « Classe sans risque », Le Monde diplomatique, octobre 2017.
La récurrence entêtante, presque frénétique, dans le discours gouvernemental de ce topos vieux comme Deng Xiaoping (lui parlait des chats à qui on ne demande pas s’ils sont marxistes ou pas mais d’attraper les souris) ou Tony Blair, qui déclamait semblablement (les souris en moins) devant les parlementaires français en 1998, en dit long sur la sécheresse d’imagination d’un gouvernement qui porte le service de la classe à son comble, et ne pourra, en effet, jamais se trouver d’autre vêtement que « l’efficacité » — quand bien même tout ce qui a été fait depuis trente ans, et qu’il se propose simplement d’intensifier, a spectaculairement échoué. Heureusement, il y a la presse pour s’émerveiller de la modernité du vieux, de l’inédit du non-advenu (« le clivage gauche-droite n’existe plus »), ou de la percée du surplace (« LRM n’est pas un parti »). Et puis pour examiner avec gravité les arguments de « l’efficacité ».
Il ne reste plus qu’elle en effet pour prendre au sérieux ces dérisoires recouvrements sous lesquels la commission ouverte aux intérêts du capital apparaît avec une grossièreté sans précédent. Mais peut-être faut-il en tirer parti pour que le voile, déjà d’une minceur extrême, achève de se déchirer. En tout cas il ne faut pas se priver d’une occasion aussi savoureuse que celle offerte par Benjamin Griveaux secrétaire d’État (à on ne sait pas trop quoi d’ailleurs, mais domicilié à Bercy), qui livre dans Macron Magazine un pur concentré de la pensée économique du quinquennat, un joyau de pensée même, destiné à convaincre que la défiscalisation déboutonnée du capital combinée à la démolition des protections juridiques du travail ne sauraient en aucun cas être assimilées de près ou de loin à une politique de droite (2). Car voilà le cœur de filet : « On n’a pas suffisamment de capitaux pour financer la croissance de nos entreprises. Et en face, on a un chômage de masse depuis trente ans. Si on ne réconcilie pas les deux ça ne marchera pas ». Et plus loin : « Évidemment si on réforme la fiscalité du capital sans améliorer le marché du travail, c’est hémiplégique et ça ne fonctionne pas. La bataille se mène sur tous les fronts ». Incidemment il faut prêter attention à ce « tous les fronts » dont on peut prédire sans grand risque de se tromper qu’il est appelé à des retours fréquents lui aussi, puisqu’il est en fait le nom, à peine masqué, de l’offensive générale : « pas une possibilité de régression ne restera sans examen », voilà ce qu’il y a lieu de comprendre avec « tous les fronts ».
3 milliards d’ISF en moins pour 9 millions d’investissement en plus : « efficace »
S’il faut prendre les choses par le bout le plus scandaleux, c’est sans doute à la défiscalisation ISF du capital-actions qu’il faut s’intéresser en premier — alias « le capital qui manque à nos entreprises ». Car voilà l’affaire : Griveaux pourra bien défiscaliser jusqu’au bout du bout, ça ne fera pas plus d’une cacahuète d’investissement supplémentaire. Pour une raison en fait extrêmement simple, dont le seul mystère résiduel consiste à savoir si les macronomistes passent réellement totalement à travers ou bien, si conscients de tout, elle est juste l’objet de leur part d’un immense éclat de rire. La raison simplissime, c’est qu’il n’y a investissement supplémentaire qu’à proportion des émissions nouvelles d’actions. Or celles-ci sont dans les tréfonds : 12,5 milliards d’euros en 2014, 10 en 2015 (3), à comparer avec un volume brut d’investissement de 262 milliards d’euros pour les entreprises non-financières — dont les nouvelles actions auront donc financé un énorme 3,8 %, ceci dit pour donner une idée de l’indispensable « efficacité » de la Bourse.
En tout cas, l’écrasante majorité des actions qui composent les portefeuilles financiers, et vont donc désormais échapper à toute fiscalisation, sont des actions acquises sur les marchés secondaires, qui sont en quelque sorte les « marchés de l’occasion » des actions, où l’on se revend des actions déjà émises, qui ont donc déjà produit leur effet de financement de l’investissement — car cet effet, elles ne le produisent qu’une fois : à l’émission, c’est-à-dire au moment où cette toute première vente s’effectue contre monnaie récupérée par l’entreprise émettrice. Or c’est un tout autre sport qui se joue sur les marchés secondaires : celui de l’achat-revente spéculatif, entre investisseurs financiers exclusivement. Un jeu que les entreprises émettrices, qui en sont totalement absentes, ne font que regarder à distance sans qu’il les concerne en rien (en tout cas du point de vue de leur capacité d’investir) et, bien sûr, sans en voir la couleur.
On peut maintenant indiquer quelques ordres de grandeur pour fixer les idées. Si en 2015, donc, les émissions d’actions se sont élevées à 10 milliards d’euros, la capitalisation de la place de Paris, c’est-à-dire la masse des actions qui tournoient dans les mouvements d’achat-revente sur les marchés secondaires est de 3 300 milliards d’euros (4). Prenons le parti du calcul de coin de table en faisant l’hypothèse que les portefeuilles de titres des assujettis à l’ISF reflètent ces proportions : il s’en déduit que ces messieurs-dames ne contribuent à l’émission de nouvelles actions qu’à hauteur de 0,3 % de leur fortune financière. Mettons les choses dans l’ordre inverse : toute mesure de défiscalisation ISF des portefeuilles actions représente à 99,7 % de la pure aubaine, sans aucun effet sur l’investissement, aberrante disproportion qui dérive immédiatement de l’absurdité consistant à défiscaliser les stocks au nom des flux. On chiffre à 3 milliards le coût pour les finances publiques de cette défiscalisation. Voilà donc qui nous fait 9 millions d’investissement supplémentaire (5). 9 millions d’effet pour 3 milliards de dépense fiscale : heureusement que Griveaux et Macron Mag célèbrent l’efficacité, sinon on aurait eu comme un doute. 9 millions d’investissement efficaces mais quand même, par conséquent, 2,991 milliards d’euros foutus en l’air pour des prunes… Enfin : foutus en l’air, c’est vite dit. Foutus en poche plutôt. Il est vrai que ce sont des poches de nécessiteux. Pour la réduction des déficits, on verra donc plutôt du côté des APL et de la CSG.
La flexibilisation pour le capital : de la balle… dans le pied
Après le côté capital, déjà très satisfaisant, le côté travail. Pour bien faire, il faudrait redistiller ici l’intégralité du « Petit guide pour résister à la loi Travail XXL » réalisé par Attac et les Économistes Atterrés. À défaut, on voudrait au moins rappeler le contresens princeps qui vicie immanquablement toute l’argumentation « par l’entreprise ». Contrairement à ce que suggère le sens commun éditorialiste, ce qui est bon « pour l’entreprise » n’est pas bon ipso facto pour l’économie tout entière. On appelle d’ailleurs « sophisme de composition » cette erreur intellectuelle qui consiste à étendre à la macroéconomie des énoncés valides pour la microéconomie, comme si la première n’était que l’extension « à l’identique » et à plus grande échelle de la seconde. En fait il n’en est rien, et il suffit pour s’en rendre compte d’imaginer la généralisation de ce rêve patronal — donc microéconomique — par excellence : le salaire zéro.
Lire aussi Alain Supiot, « Et si l’on refondait le droit du travail… », Le Monde diplomatique, octobre 2017.
Sans doute faut-il solliciter rudement l’imagination pour se figurer des salariés travaillant effectivement quoique renonçant à tout salaire. Mais l’expérience de pensée a précisément cette vertu de permettre la démonstration par l’absurde. La composition des zéro-salaires microéconomiques produisant zéro revenu disponible à l’échelle macroéconomique, il n’y a plus aucune demande solvable des ménages adressée aux entreprises… Problème de coordination typique, où chaque entreprise désirerait en fait se réserver le privilège du salaire zéro en laissant à toutes les autres le soin de contribuer à former de la demande solvable. L’inconvénient étant bien sûr que, chaque entreprise faisant par devers soi le même raisonnement, toutes se défaussent et, par-là même, produisent collectivement leur impasse. Où l’on découvre que la macroéconomie n’est pas simplement de la microéconomie augmentée.
On ne s’étonnera donc pas que, même si elle se contente d’une simple compilation d’études, l’OCDE ait fini par admettre qu’il était impossible de conclure à quelque effet sur le chômage des stratégies de « baisse du coût du travail ». On ne s’étonnera pas non plus qu’un peu plus tard elle ait conclu identiquement quant aux stratégies de « flexibilisation » (6), ce dont on pourra rendre raison par un argument en fait très semblable. Supposée qu’elle soit vertueuse au niveau microéconomique — en réalité elle ne l’est pas — la « flexibilisation » pèse d’abord quantitativement sur le salaire (et retour à l’argument précédent), mais aussi qualitativement sur sa stabilité, donc sur celle des plans de dépense. Cette instabilité se compose au niveau macroéconomique et affecte nécessairement la formation des anticipations de demande que font les entreprises — le déterminant principal de leurs décisions d’investissement. Il est assez évident que des salariés abonnés à la précarité n’auront aucun accès au crédit donc au financement de leurs achats de biens durables, leur investissement immobilier au tout premier chef. Par un effet de retour que n’imaginera pas le discours de « l’entreprise » — toujours au singulier — « qui crée l’emploi », la « flexibilisation » qui précarise les salariés « précarise » donc du même coup les débouchés de toutes les entreprises…
Transformer les outsiders en insiders ?
Mais, s’obstinent les ordonnances, il s’agit d’en finir avec « la barrière à l’entrée » qui laisse constamment à la porte tout un volant de demandeurs d’emploi. C’est par cet argument que s’amorce tout doucement le glissement du registre de la « technique » vers celui du dégoûtant. Pourquoi y a-t-il du chômage ? Parce qu’il y a des égoïstes à l’intérieur : les insiders qui protègent leurs statuts, leurs rémunérations, et font barrage aux outsiders. Les vrais coupables, ce sont les incrustés dans l’emploi. Dans Hard Times, Studs Terkel, qui relit l’histoire de la Grande Dépression depuis les années Reagan, souligne ce basculement décisif qui a fait passer les chômeurs du statut de victime dans les années 30 à celui de responsable de leur sort dans les années 80. Nous savons désormais qu’il est possible de culpabiliser aussi ceux qui sont dans l’emploi — sans d’ailleurs le moins du monde relever ceux qui n’y sont pas de leur propre responsabilité, car l’économie morale du chômage, envisagée du point de vue patronal, n’a pas la cohérence pour priorité.
Lire aussi François-Xavier Devetter, « Lutte contre le chômage : rustines et chausse-trapes », Le Monde diplomatique, septembre 2016.
Plutôt la défausse. Car c’est tout un régime macroéconomique, dominé par le capital, qui conduit à cette remarquable performance du chômage de masse permanent. On peut même dire les choses plus précisément : c’est le capitalisme dominé par les actionnaires qui installe paradoxalement un régime dépressionnaire de l’investissement. D’abord par compression permanente des salaires, donc de la demande adressée aux entreprises. Mais plus encore, et c’est ici que s’expriment toutes les nuisances du primat des actionnaires, par la censure des projets d’investissement qui ne passent pas la barre de leurs exigences de rentabilité financière. En somme, et si vraiment on voulait abandonner l’analyse des structures pour le registre de la morale, il faudrait convenir que c’est le groupe des actionnaires qui porte la responsabilité du chômage. Moyennant quoi on soustrait les patrimoines-actions à toute fiscalité pour lutter contre le chômage…
La vérité du discours insiders-outsiders est tout autre. Ceux dont les esprits en sont habités doivent eux-mêmes la trouver trop peu présentable pour la dire à voix haute, si bien qu’il faut les Macronleaks pour la faire sortir — révélée dans Le Temps en Suisse (en France Le Monde regarde ailleurs, oh une fake news !) : « Sur le travail, c’est vraiment la deuxième question la plus importante car, au bout du compte, l’essentiel est de savoir si les Français sont effectivement convaincus que mieux vaut des travailleurs pauvres que des chômeurs bien indemnisés » (7). C’est Alexis Kohler (présentement secrétaire général de l’Elysée) qui parle, et on se demande ce que la musicologue du Monde trouverait à dire de cette aubade.
En tout cas on est désormais assez bien fixé quant au projet gouvernemental « d’en finir avec le dualisme insiders-outsiders ». À la vérité, on savait depuis Marx combien « l’armée de réserve » et son volant entretenu de corvéables étaient fonctionnels au capital — c’est qu’on puisse indemniser des chômeurs qui ne l’est pas du tout. Il faudra donc que les outsiders, sur le sort desquels toute la macronie affecte de pleurnicher à chaudes larmes — « on veut en finir avec la France des initiés » n’hésite pas l’inénarrable Griveaux —, finissent par être informés qu’ils n’ont aucun espoir de devenir des insiders : simplement celui de rester des outsiders quoique d’un autre genre, non plus comme chômeurs indemnisés mais comme travailleurs pauvres.
Et c’est toute cette boue qui s’habille de « pragmatisme » et d’« efficacité ». « Réduire le chômage, c’est de droite ou de gauche ? » demande encore le secrétaire d’État à on ne sait pas quoi. Le plus drôle étant que, si Macron Magazine ne voit rien à objecter à cet argument qui éclaire sa semaine, ce sont les ingénieurs mêmes de la « réforme » qui transpirent à grosses gouttes quand la question leur est posée un peu plus sérieusement. Certains se souviennent peut-être de cette stupéfiante émission de C dans l’air du 26 juin où la présentatrice lit benoîtement une question d’internaute : « Y a-t-il des exemples de dérégulation du droit du travail ayant permis de réduire le chômage et la précarité des salariés ? ». Grand silence frisé, tout le monde se regarde. Et puis Raymond Soubie, dans un demi-borborygme : « euh non… ». La présentatrice enchaîne – car on ne se rend pas compte mais c’est un vrai métier – : « très bien, question suivante ».
Le 21 septembre au 7-9 de France Inter, la science économique en majesté avec Philippe Aghion. Question : « Y a-t-il un lien prouvé et démontré entre la facilité à licencier et la facilité à embaucher ? ». Réponse aux avirons : « Je pense qu’il y a eu des études, je ne peux pas vous dire quelle étude, mais enfin c’est prouvé, c’est établi ». La science donc, un peu bafouillante, mais la science : il doit y avoir « une étude » quelque part, mais on ne sait plus où on l’a mise, ni même si elle existe, peu importe en vérité : « c’est prouvé ». Ah mais flûte, voilà qu’on a retrouvé une « étude », du Conseil d’Analyse Economique, dont Aghion fut membre de 2006 à 2012, et qui dit ceci : « Il n’y a pas de corrélation démontrée entre le niveau de protection de l’emploi et le chômage (8) »… Dans n’importe quelle société démocratique décemment constituée, voir engagé si lourdement le sort de tant de personnes par de pareils tocards sur des bases aussi inexistantes serait instantanément un objet de scandale national. Pas ici.
Les naufragés de la croyance
Ici, on laisse les démolisseurs dire « efficacité », qui est le sauf-conduit prévenant toute objection soutenue de journaliste — même quand on n’est pas capable de répondre à la question. Il faut dire que si les questionnés peuvent se permettre pareil degré d’indigence, c’est bien parce qu’en face l’inanité des questionneurs les assure de ne courir aucun risque. Les uns et les autres offrent d’ailleurs ce singulier spectacle de prisonniers solidairement bouclés dans une croyance en voie de naufrage. Solidairement parce que la croyance a fait leur magistère partagé pendant des décennies, et qu’il va leur être également difficile d’en reconnaître la faillite. C’est bien pourtant ce qui leur pend au nez, et le pire : sous le revirement même des autorités de référence qui, trente ans plus tard, finissent par tourner casaque, laissant comme d’habitude les croyants ordinaires une main devant une main derrière.
Car voilà la curie sens dessus dessous : même le FMI, rappelle Serge Halimi (9), doit bien constater que le démantèlement du droit du travail, en fait de « libération des énergies », a surtout produit l’explosion des inégalités (10). Un mauvais coup n’arrivant jamais seul, l’OCDE explique alors que l’enrichissement des plus riches n’a aucun effet bénéfique sur la croissance, tout au contraire : elle en réduit les taux de long terme (11). Deux propositions qui peuvent assez bien s’accrocher l’une derrière l’autre pour produire un argument complet.
C’est pourtant l’accrochage exactement inverse qui fait le cœur de la doctrine gouvernementale, sous l’argument symétrique du trickle down, une autre innovation disruptive du macronisme qui ne remonte jamais qu’à Margaret Thatcher et, avouons-le, qu’on n’aurait pas cru pouvoir ressortir si facilement des poubelles de l’histoire, comme quoi…
Moment de vacillation tout de même dans les médias : on sent bien que le cœur y est moins, on entend bien çà et là les hésitations de quelques journalistes en début d’ébranlement, travaillés par l’idée d’un faux gigantesque, un faux de trente ans, payés au prix fort par des populations maintenant un peu énervées, en somme une colossale imposture idéologique. Mais rien encore qui puisse faire faire le pas, le pas de demander à Bruno Le Maire, Benjamin Griveaux et Emmanuel Macron s’ils ne se moquent pas un peu du monde avec leurs couillonnades presque obscènes d’énergies à libérer, de « talents à faire revenir » (12), de « réussites à récompenser » (13), et d’« un trader installé qui crée trois emplois indirects » (14). Faut-il avoir atteint le bout du bout, symptôme d’ailleurs bienvenu d’un ordre épuisé, pour aller chercher des arguments récusés par la réalité comme par les institutions internationales qui les mirent primitivement en circulation, des arguments, pour tout dire, aussi vieux, aussi nuls, auxquels aucune imagination doctrinale, épuisée elle aussi, n’a même été capable de donner un semblant de ripolinage, une petite touche de pas-tout-à-fait-vu, un peu de vernis rafraîchi : les années 80 au micro-ondes.
Mais comme un canard à la tête coupée, la croyance est encore capable de courir droit devant elle un moment. De croyance aberrante, on arrive pourtant parfois à parler. L’émission 28 minutes, par exemple, s’attaque courageusement à la question de la croyance climato-sceptique trumpienne. Et l’on regarde les fadas de la Maison Blanche avec une commisération toute anthropologique. Claude Askolovitch tient vraiment au point de vue théorique, car il y a là pour lui un fait étonnant, qui demande de comprendre. Et de s’adresser au philosophe de plateau : « Expliquez-moi ce processus mental. Voilà un phénomène qui est scientifiquement attesté : le réchauffement climatique dû à l’action de l’homme, c’est patent, ça se voit, ça s’observe. Comment font les climato-sceptiques, négationnistes, pour fonctionner ? Comment fait-on pour s’abstraire de la réalité quand on est au pouvoir » ? (15). On voit bien qu’il est sincèrement ébahi Askolovitch : que des esprits puissent ainsi se fermer à des évidences aussi massives, aussi incontestables, c’est vrai qu’il y a de quoi se demander si on n’a pas affaire à des demi-fous. Ce qu’on voit bien également, c’est qu’il a la clinique à géométrie typiquement variable, qu’il ne se rend pas tout à fait compte de la généralité qu’il suggère lui-même, et qu’il y aurait de quoi s’inquiéter de la libre circulation d’autres demi-fous au moins aussi atteints. Bref, on sent bien qu’il faudra encore un moment pour l’entendre lui ou l’un de ses semblables interpeller pareillement Macron-Le Maire-Griveaux : « Expliquez-moi ce processus mental. Voilà un phénomène qui est scientifiquement attesté : le désastre du chômage et des inégalités dû aux politiques néolibérales des trente dernières années, c’est patent, ça se voit, ça s’observe. Comment font les néolibéraux, négationnistes, pour fonctionner ? Comment fait-on pour s’abstraire de la réalité quand on est — comme vous — au pouvoir ? ».
C’est vrai ça : comment fait-on ? Ou alors en vue de quoi ? Pour servir qui ? Et avec l’aide de qui ? Pendant si longtemps.
« Et si la défiscalisation ISF des actions stimulait de nouvelles émissions ? »
C’est vraiment le dernier argument à racler pour défendre l’indéfendable, et celui-là aussi est faux. C’est qu’il y a des raisons structurales, très profondes, à la faiblesse chronique des volumes d’émissions nouvelles — car la chose n’est pas propre aux années 2014-2015 dont on a donné les chiffres : sur les treize dernières années on n’a jamais dépassé les 20 milliards d’euros. Une faiblesse chronique dont aucune incitation fiscale ne viendra à bout. La réponse, sans doute d’apparence paradoxale, à cette question tient aux propriétés les plus fondamentales du capitalisme actionnarial lui-même. Supposé soutenir les émissions et l’investissement par la prodigieuse médiation des marchés de capitaux, il a produit l’effet rigoureusement inverse. C’est qu’en définitive, les actionnaires se moquent comme d’une guigne de l’investissement physique des entreprises : la seule chose qui leur importe est la rentabilité de leur investissement financier. Or le cours des actions, par où se forme la plus-value spéculative, dépend étroitement du bénéfice par action (BPA) des entreprises. Pour celles-ci, émettre trop d’actions, c’est, par effet de dilution, faire mécaniquement baisser le BPA, et très probablement à sa suite le cours. Alors, sous pression de leurs actionnaires, elles s’abstiennent. Elles font même davantage : elles rachètent — en masse — leur propres actions (16)) : 5,2 milliards d’euros en 2015, qui viennent donc effacer plus de la moitié des 10 milliards d’émissions de cette même année. Donnons au paradoxe sa formule synthétique : c’est le capitalisme boursier qui fait obstacle au financement boursier des entreprises… faisant par-là lui-même la démonstration de l’inutilité de la Bourse. Et du bien-fondé de la conclusion qui s’ensuit : fermer la Bourse !
L’absence de politique volontariste de mixité sociale
La réforme de 2007 d’assouplissement de la carte scolaire avait pour but de favoriser les dérogations, notamment pour les élèves socialement défavorisés, afin de favoriser la mixité sociale. Au niveau national, Thaurel-Richard et Murat (2013) ainsi que Fack et Grenet (2013) trouvent un faible effet sur les effectifs d’élèves et sur le profil social des collèges. Cela s’explique par le fait que les capacités d’accueil des établissements sont limitées, que le taux d’acceptation des demandes de dérogation reste modéré et a tendance à diminuer au fil du temps, et que les institutions comme les familles (notamment dans les milieux populaires) restent ancrées dans une logique géographique (Oberti et Préceteille, 2013). À un niveau plus précis, Thaurel-Richard et Murat (2013) observent une baisse des effectifs en sixième dans les collèges d’éducation prioritaire entre 2006 et 2009, que Fack et Grenet (2013) évaluent à 5 % pour les réseau de réussite scolaire et à 9 % pour les collèges « ambition réussite ». Près de 30 % des collèges RAR ont subi une perte de plus de 18 % de leurs effectifs durant ces trois années, et 30 % à 40 % de cette baisse peuvent être imputés à l’assouplissement de la carte scolaire. Pour autant, il n’y a pas de conclusion significative quant à un changement dans le profil social des élèves, mais les auteurs constatent que les élèves non-boursiers ont plus bénéficié de dérogations que les élèves boursiers : les élèves boursiers demandent moins de dérogations (en proportions), même si elles sont plus souvent acceptées. Quelques académies, comme Paris, ont vu les taux de boursiers progresser dans leurs lycées les plus élitistes, mais les procédures Affelnet, orientées sur l’objectif trop rustique de progression des boursiers dans les lycées favorisés, n’ont pas permis de diversifier socialement la composition des lycées. Les analyses n’ont de plus pas été assez poussées pour analyser les carrières de ces boursiers dans des établissements peu adaptés à leur accueil faute de développer les conditions pédagogiques favorables à leur intégration sociale et scolaire. Du côté des resectorisations, les politiques volontaristes en termes de mixités sociales des conseils généraux (partageant la compétence de la carte scolaire et des dérogations avec l’inspection académique) sont souvent interrompues pour des raisons politiques.