Bleu marine

Vous êtes-vous déjà intéressé à l’Histoire qu’on enseigne sur les bancs de l’école ? Eh bien, vous devriez. Car elle pourrait bien changer de ton dans les années qui viennent. Dernièrement, la direction m’a envoyé à Londres pour un incentive, et j’ai pu revnir avec plusieurs participants sur l’une des propositions de la dernière primaire de droite. Pour faire simple, plusieurs candidats (dont Fillon) voulaient purement et simplement remanier les manuels d’Histoire proposés par l’école : ils souhaitaient présenter une version patriotique de l’Histoire de France, où cette dernière serait présentée différemment, comme une terre fondamentalement patriotique et gauloise. En somme, il s’agissait de revoir toute notre Histoire et y introduire une bonne dose de story-telling pour la rendre plus vendeuse. En général, ce qu’apprennent les mômes à l’école ne mobilise pas des masses. A part une poignée de cathos qui se sentent en permanence offusqués, personne n’y prête vraiment attention. Mais ce qui a été proposé est un peu plus important cette fois. Cela participe en fait d’un glissement à l’échelle de la société toute entière, un glissement si global que nous n’y prêtons même plus attention : un glissement vers l’extrême-droite. Ces dernières années, la droite a été en partie absorbée par le Front National. A force de vouloir gratter sur les terres du FN, Sarkozy a fini par laisser la couleur bleu marine teinter fortement son programme, et l’a ensuite laissé se répandre dans la société. Qui aurait pu penser, il y a à peine dix ans, que des politiciens hors FN puissent sérieusement soutenir de refaire l’Histoire afin d’inspirer un plus grand patriotisme chez les élèves ? Un patriotisme réservé aux blancs gaulois plutôt qu’à l’ensemble de notre société multiethnique ? L’on ne peut plus parler de plaire aux voix du Front National : le discours de certains candidats LR a ouvert en grand les portes aux idées du Front National. Et cette diffusion de l’extrême-droite dans les esprits constitue à mon sens un sérieux problème. Il est probable que nous nous en mordions les doigts d’ici quelques années. Soit dit en passant, j’ai adoré cet incentive à Londres. Voilà d’ailleurs l’agence qui l’a mis en place, si vous cherchez des idées pour vos événements.

La gauche et son retour vers le pseudo-futurisme

170126Dans sa livraison déjà datée de février la revue « Philosophie Magazine » s’interroge : « De quoi la gauche est-elle malade » ? L’article vedette y est constitué d’un entretien par échange de courriels avec un philosophe que, je l’avoue, je ne connaissais pas jusque-là en la personne de Jean-Claude Michéa. Désormais retiré dans une grande ferme du sud ouest cet ancien professeur de philosophie de Montpellier cultive l’intransigeance vis-à-vis de ces « intellectuels postmodernes de gauche » qu’il appelle à combattre. Après avoir publié une « Impasse Adam Smith » en 2002 et « L’Empire du moindre mal » en 2007, il vient de livrer « Notre ennemi le Capital ». (1)⇓

Le titre pourrait se suffire à lui-même. La thèse centrale est ainsi résumée : « Si l’on veut réellement rassembler la grande majorité des classes populaires autour d’un programme de déconstruction graduelle du système capitaliste – et non pas simplement accroître ses privilèges électoraux, – il faut impérativement commencer par remettre en question ce vieux système de clivages fondé sur la confiance aveugle dans l’idée de progrès »… Car, pense-t-il, ce que l’on considère comme le progrès, aujourd’hui, c’est le contraire de ce en quoi les gauchistes veulent croire.

Au moins, avec un tel penseur, les choses sont claires. Et le lecteur se retrouve en pays de connaissance pataugeant dans les thèses que vulgarise Benoît Hamon dans le cadre de cette assemblée générale de l’UNEF, prolongée pour ne pas dire tardive, télévisée ce 25 janvier, sous prétexte de débattre en vue du deuxième tour des primaires de la Belle alliance populaire.

En fait ce courant d’idées ne remet donc pas seulement en cause ce qu’on appelle la gauche de gouvernement. Comme dans la chanson de Renaud il n’aime pas le travail, la justice et l’armée.

Certains pensent peut-être le problème entièrement nouveau. Déjà en 1899 Rosa Luxembourg concluait un article sur le cas Millerand : « L’entrée des socialistes dans un gouvernement bourgeois n’est pas comme on le croit, une conquête partielle de l’État bourgeois par les socialistes, mais une conquête partielle du parti socialiste par l’État bourgeois. »  (2)⇓

Elle répondait à deux articles de Jaurès dans La Petite République.

Ne disons pas que Benoît Hamon n’innove en rien. Il promet par exemple « une police des discriminations »… Ce progrès-là il ne le démentira jamais.

Une légère contradiction semble lui avoir échappé à lui et aux commentateurs, rapporteurs, intervenants et autres radioteurs dont les références ont accablé le débat.

Dire que le travail irait en se raréfiant fait partie de la panoplie ordinaire des pseudo-futuristes. Cet étrange argument fait du travail sinon une denrée ou une matière première, une ressource minière en quelque sorte. Or, prétendre que le besoin de travail n’existerait plus cela revient à dire que nous serions dans la société d’abondance, ce que démentent chaque jour les informations en provenance des favelas, des bidonvilles ou du Sahel. M. Hamon ou ses supporteurs ont-ils entendu parler des personnes âgées en grande dépendance ? Ils ne manquent probablement eux-mêmes jamais de lait : savent-ils comment et à quelle heure des éleveurs laitiers ont la gentillesse de traire les vaches pour eux ?

Les besoins des hommes en biens et services à travers le monde sont encore immenses.

Les pseudo-futurisme de gauche pense y répondre par l’utilisation des robots. Mais pour y pourvoir avec des robots encore faudra-t-il concevoir, construire et commander ces robots. Il est vrai que sur ce terrain M. Hamon ne sera pas d’un grand secours.

Signature

 

JG Malliarakis

Apostilles

  1. Les trois volumes sont édités dans la collection Climats chez Flammarion. ⇑
  2. cf Cahiers de la Quinzaine, n° 11, 1899⇑

Le rêve de Polo

Paul Légier

Paul Légier est sculpteur. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire ici même tout le bien que je pensais de son travail dans son magnifique atelier du Chemin des Jarres au fond du Vallon des Fleurs (voir mon billet du 2 mai 2014).

Comme beaucoup de Niçois, Paul a été touché par l’attentat du 14 juillet : ce soir-là il a perdu trois membres de sa famille. Meurtri, c’est en artiste qu’il a réagi en imaginant et en réalisant des oiseaux blancs mi-oiseaux, mi-fantômes qui au bout de tiges transparentes s’envolent dans le ciel d’Azur : « Le rêve de Polo ».

Concrètement, il s’agit de quinze colonnes de 2,5 m qui chacune servent de support à une gerbe de 5 ou 6 oiseaux symbolisant les victimes. Bien sûr l’œuvre a pour vocation d’épouser la courbe de la baie sur la Promenade des Anglais.

Ce vendredi, lors d’une rencontre très chaleureuse, Polo nous a présenté son rêve. À nous de l’aider à le concrétiser. Que ce modeste billet soit compris comme une pièce à l’édifice.

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29/1/2017 : le PS se saborde, Federer se sublime

La droite a eu son accident industriel avec Fillon, la gauche aura le sien avec Hamon, apparatchik pur sucre converti au revenu universel. Les électeurs du PS ont donc choisi la gauche de la gauche pour les représenter à la présidentielle.

Si vous ne voulez pas de l’extrême droite, de la droite ultra-libérale, de l’extrême gauche ou de la gauche de la gauche, le choix se restreint. Les candidatures susceptibles de convenir à un électeur social-démocrate partisan d’une gauche de gouvernement ne sont pas légion, c’est le moins qu’on puisse dire. Faites le compte !

Bon ne boudons pas notre plaisir : ce dimanche 29 janvier 2017 rentrera dans l’histoire comme celui qui nous aura révélé que la longévité de Roger Federer était bien supérieure à celle du PS.

Cela dit un type qu’on disait fini qui revient au premier plan après six mois d’arrêt dus à une blessure, cela peut éventuellement donner des idées aux « blessés » de la primaire ! Sacré Fed !

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2017: laïque et de gauche, ça va être compliqué !

Le moins qu’on puisse dire est que le candidat du PS a des positions ambigües sur la laïcité. Probablement pas par conviction personnelle car il a dans le passé livré quelques combats avec Caroline Fourest, mais certainement par électoralisme (il est député de Trappes en banlieue parisienne). C’est ainsi qu’on a pu s’étonner de la tiédeur – doux euphémisme – de sa réaction par rapport aux patrons de cafés qui interdisent leurs établissements aux femmes. Plus grave encore son porte-parole (notons la symbolique du titre), Alexis Bachelay, est proche du CCIF, cette officine qui considère qu’être laïque c’est être islamophobe. Et le porte-parole en question n’a pas trouvé mieux que d’organiser le jour anniversaire du massacre de Charlie un meeting avec le CCIF… contre l’état d’urgence. On comprend mieux la discrétion de Hamon sur le sujet pendant les débats. Mais l’examen géographique des votes pour la primaire (à Nice c’est très clair !) montre que la désinformation laïcité = islamophobie a été payante électoralement au détriment de Manuel Valls. Pour les Présidentielles ce sera probablement une autre paire de manches !

Mais si on ajoute à ce positionnement désastreux la traditionnelle complaisance de l’extrême gauche pour l’islamo gauchisme, le suivisme d’une grande partie des Verts en la matière et le fait qu’on considère – même si son programme n’est pas encore finalisé en la matière – Emmanuel Macron comme un communautariste libéral à l’anglo-saxonne, on peut se dire que pour un homme de gauche qui estime que dans le contexte actuel la laïcité est la mère de toutes les batailles, le choix ne va pas être simple. Il consistera certainement à choisir le moins pire.

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Le chagrin des Belges

Alabama Monroe

« Le chagrin des Belges » est le titre d’un roman initiatique de l’écrivain flamand Hugo Claus publié dans les années 80. Son titre pourrait illustrer à merveille les quelques remarquables mais désespérantes oeuvres cinématographiques belges que j’ai vues un peu par hasard ces dernières semaines.

Tout d’abord, deux films d’un réalisateur extrêmement doué (et extrêmement désespéré) Felix Van Groeningen.

Alabama Monroe : le film qui a reçu le César du meilleur film étranger en 2014 raconte l’histoire de Didier et Elise : il est chanteur de country dans les bars de province, elle est tatoueuse. De leur relation fusionnelle va naître une petite fille Maybelle qui tombera très vite gravement malade… Le petit monde marginal d’Alabama Monroe est attachant mais l’atmosphère générale et les couleurs sombres annoncent le malheur comme la nuée l’orage.

Belgica : Jo et Frank sont frères. Le premier, borgne, est célibataire et entreprenant, le second, bel homme, est père de famille et faible. Ils décident de gérer ensemble un bar à la mode « Le Belgica ». Mais après un succès foudroyant, l’établissement va connaître, surtout à cause des inconséquences de Jo, incidents et difficultés qui vont mettre à mal les relations entre les deux frères. Cette fresque de 127 minutes est un véritable chef d’œuvre, une sorte de « A l’Est d’Eden » d’outre Quiévrain . Bouleversant mais pas franchement désopilant.

Au delà de ces deux films on peut également parler de la saison 1 d’une série produite par la chaîne TV belge « La Une ». Il s’agit de La trêve un polar provincial et poisseux réalisé par Stéphane Bergmans. Dans une petite ville des Ardennes, un jeune footballeur africain est assassiné. L’enquête de Peeters, un inspecteur bien cabossé par la vie, va révéler, un peu à la manière de l’inoubliable Twin peaks, tout un tas de misérables secrets et de turpitudes avérées dans une ville apparemment sans histoire. On ne sort pas indemne de cette enquête (quête ?) qui a pour décors des paysages magnifiques mais d’une froideur absolue. Peut-être la série du moment (meilleure série francophone en 2016).

Nous sommes loin d’Annie Cordy, des baraques à frites et des moules de Léon, mais ces œuvres sont belles comme des tragédies antiques. La Belgique, avec sa complexité et ses contradictions comme métaphore d’un monde qui ne va pas très bien, pourquoi pas ?

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[SCOOP] Fin des négociations pour les élections législatives entre LR et UDI

Ajout 29/01 à 11h20:

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[Ajout 28/01 14h55: démenti par SMS simultané de l’UDI et de LR. Mais François Fillon et Jean-Christophe Lagarde se rencontrent tout à l’heure, donc ce vendredi bien fin des négociations, puis conclusion de l’accord ce samedi…]

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Les choses s’accélèrent à droite.

Selon mes informations, les âpres négociations pour les élections législatives entre Les Républicains et l’UDI ont été bouclées ce vendredi 27 janvier. Ou tout au moins « c’est achevé autant que cela puisse l’être« , me souligne-t-on.

Pas moins de 90 candidats UDI seraient soutenus par LR, un chiffre qui se situe dans la fourchette haute des ambitions de l’UDI (25 circonscriptions avec députés sortants UDI et 61 nouvelles).

Deux interprétations possibles:

– cet accord intervient dans le temps normal des négociations entre les deux partis, les négociateurs UDI ayant été particulièrement efficaces.

– cet accord a été accéléré dans un double contexte:

1. l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits » après un article du Canard Enchaîné soupçonnant l’épouse de François Fillon d’emplois fictifs.

L’hypothèse serait que LR aurait beaucoup lâché à l’UDI afin d’obtenir un accord avant le véritable lancement de la campagne présidentielle de François Fillon, ce dimanche 29 janvier à l’occasion d’une grande réunion publique à Paris, Porte de la Villette; de fait, il s’agirait d’une bonne occasion de l’annoncer publiquement!

2. l’attrait d’Emmanuel Macron, candidat de centre gauche, auprès de l’UDI, parti de centre droit. Si l’UDI n’a pas participé à la primaireLR-PCD-CNIP, au surlendemain de celle-ci son bureau exécutif a qualifié François Fillon de « candidat légitime de l’opposition » dans l’attente d’un accord de gouvernement sur un projet entre les deux partis.

« Ce projet fera l’objet d’un débat dans nos fédérations en janvier et sera soumis au vote du conseil national et d’une consultation des militants début 2017« , précisait la motion.

On y est justement.

D’après mes recoupements – je précise: non confirmés par les deux partis (notamment la 8e circonscription de l’Essonne avec sortant DLF et la 4e de Vendée avec sortante MPF) – voici 83/85 des 90 candidats UDI probablement soutenus par LR:

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Parmi les cinq ou sept autres circonscriptions où un accord est possible se trouvent la 1re des Deux-Sèvres (le maire UDI de Niort, Jérôme Baloge, serait aussi soutenu par LR s’il est candidat), la 8e des Yvelines ainsi que les cas locaux particuliers de la Nouvelle-Calédonie (deux députés UDI sortants) et de la Polynésie française (deux députés UDI sortants, un député LR sortant mais ex-UDI).

La 21e circonscription du Nord est réservée pour l’UDI mais le député sortant, le borlooiste Laurent Degallaix, a perdu l’investiture pour s’être rapproché d’Emmanuel Macron.

Tant que l’accord n’est pas officiellement rendu public, des ajustements sont bien entendu encore possibles à la marge (se pose en outre la question des députés sortants à la tête d’un exécutif local qui n’ont toujours pas choisi entre ces deux mandats).

Dans beaucoup de circonscriptions – essentiellement jugées non gagnables – un candidat LR et un candidat UDI s’affronteront. Ceci en raison des règles de financement des partis politiques:

– la moitié de l’aide publique dépend du nombre de voix obtenues au premier tour des législatives (rappel: le financement public de l’UDI est actuellement dispersé entre ses composantes).

– la parité commande de présenter autant de femmes que d’hommes sous peine de sanctions financières.

Voici la liste possible de 225 primaires de premier tour entre LR et UDI:

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Dans la 3e circonscription de Loire-Atlantique, un candidat UDI (François Fedini) et deux candidats LR en attente d’une investiture officielle (Rozenn Hamel, pré-investie, et Mathieu Annereau).

L’enjeu pour l’UDI n’est pas mince: il s’agit, en cas d’alternance, de rééquilibrer le rapport de force à droite afin de revenir à ce qu’il était autrefois entre l’UDF et le RPR. L’infographie suivante montre toutefois combien la tâche s’annonce ardue:

Malraux, Fillon et les « quatre gauches »

« Au fond, comme le disait André Malraux il y a un peu plus de cinquante ans, il y a quatre gauches en France.

La première, c’est la gauche pure et dure, rouge de chez rouge, on la connaît, c’est Mélenchon.

La deuxième, on la connaît aussi, c’est la gauche socialiste, c’est tout l’équipage des naufragés du Titanic hollandais qui viennent de s’entredévorer sur le radeau de la Méduse de la primaire.

La troisième gauche, on la connaît moins, c’est Macron. Il dit avoir un projet: je l’attends! Il dit être réformateur: il l’est moins que moi!

La quatrième gauche, c’est le FN: sortie de l’euro, abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, augmentation du salaire minimum, recrutement illimité de fonctionnaires… le programme du FN, c’est de la dépense publique à n’en plus finir, c’est le programme du Parti communiste des années 70 ou celui du Front de gauche! Aujourd’hui, l’original c’est Jean-Luc Mélenchon, la copie c’est Marine Le Pen!« .